En quoi consiste un pompage d’essai ?
Un pompage d’essai consiste à pomper de l’eau selon certaines règles (définies dans la norme AFNOR NFX10-999) et à examiner l’influence du pompage sur les niveaux d’eau de l’aquifère . Dans la pratique, un pompage d’essai se déroule successivement en deux parties :
- essai de puits : série de paliers de débits différents et croissants, d’une durée de une heure généralement,
- essai de nappe : pompage de « longue durée », à débit constant pendant une durée d’un jour à une semaine (dans la plupart des cas).
Pendant les pompages d’essai, les données de débits et de niveaux d’eau (dans le forage et dans les piézomètres à proximité) sont obligatoirement mesurées.
A quel moment ont lieu les pompages d’essai ?
Les pompages d’essai ont lieu à la réalisation du forage , puis ensuite régulièrement, idéalement tous les 3 ans, pour évaluer l’état de vieillissement de l’ouvrage.
Qui réalise l’essai ?
C’est généralement l’entreprise de forage qui a la charge de réaliser le pompage, sous la responsabilité d’un hydrogéologue.
Quels moyens sont nécessaires ?
Les essais de pompage nécessitent une pompe (y compris tubage d’exhaure, groupe électrogène…) et du matériel pour les mesures indispensables du débit et des niveaux. Selon les cas, un matériel de mesure de la qualité de l’eau (conductivité, température, turbidité…) est également à prévoir.
Comment sont valorisées les données des pompages d’essai ?
Les données acquises sont interprétées selon les lois de l’hydrodynamique. Les moyens de calculs numériques sont maintenant utilisés couramment. Ainsi a été développé par le BRGM, le logiciel OUAIP mis gratuitement à la disposition des utilisateurs sur un site web dédié :
Essai de puits
L’essai de puits consiste à réaliser un pompage par paliers qui permet d’établir la courbe caractéristique de l’ouvrage : c’est la courbe des rabattements dans l’ouvrage en fonction des débits pompés. Elle constitue la fiche d’identité de l’ouvrage.
Objectif : déterminer le débit critique
Cette courbe présente généralement une première partie linéaire, puis une augmentation rapide du rabattement en fonction du débit, traduisant un passage en régime d’écoulement turbulent. Le passage d’un écoulement majoritairement linéaire à un écoulement turbulent correspond à un débit appelé « débit critique ». Il est parfois possible de mettre en évidence graphiquement le débit critique en repérant le point d’inflexion qui sépare les deux portions de courbes. Dans la pratique, cette détermination est un peu subjective : elle est fortement liée à la position des points de l’essai par palier et dépendante de la bonne exécution du test. Pour vérifier que l’essai par paliers s’est déroulé sans perturbations (telles que des influences externes, le développement ou le colmatage de l’ouvrage pendant l’essai), le graphique des rabattements spécifiques (s/Q) en fonction du débit (Q) doit donner une droite.
L’outil OUAIP propose une détermination du débit critique par le calcul, dite méthode du point d’équivalence entre les pertes de charges linéaires et quadratiques, applicables dans la plupart des cas (sauf cas particuliers : karsts et milieux très transmissifs, dénoyage de venue d’eau en milieu fracturé…). La courbe caractéristique est également un des critères pour fixer le rabattement maximal admissible susceptible de limiter le débit d’exploitation (afin d’éviter de dénoyer la pompe, les crépines ou des venues d’eau).
Le pompage par paliers de la figure ci-dessous présente 4 paliers de débit d’une heure, séparés par des arrêts de pompage, nécessaires pour que la nappe retrouve son niveau d’origine. Les rabattements (Si) varient de 3 à 12 m environ sur cet exemple.
Un peu de théorie : la notion de pertes de charges linéaires et quadratiques
Le rabattement peut s’exprimer et se décomposer en deux termes :
s = BQ + CQ²
Le premier terme (BQ) correspond au rabattement induit par des pertes de charge linéaires dues à la circulation de l’eau dans l’aquifère et à proximité du forage .
Le deuxième terme (CQ²) correspond à un rabattement additionnel induit par des pertes de charge quadratiques, c’est-à-dire proportionnelles au carré du débit (ou de la vitesse de l’eau). Elles sont :
- provoquées par l’écoulement turbulent dans les crépines et dans le massif de gravier (mis en place dans le trou du forage , entre le tubage et le terrain naturel),
- négligeables dans l’aquifère , mais au-delà d’une certaine valeur, appelée débit critique, elles peuvent devenir prépondérantes et néfastes à proximité immédiate du forage ,
- dépendantes de l’équipement du captage (un équipement bien conçu réduit les pertes de charge quadratiques).
Il faut éviter de pomper au-delà du débit critique pour au moins 2 raisons :
- éviter l’augmentation de la dépense énergétique du pompage,
- éviter les risques de détérioration de l’ouvrage : remaniement du massif de gravier avec perte de son rôle de filtre et venues d’eau turbide, érosion des crépines, usure de la pompe, etc.
Les pertes de charge quadratiques sont déterminées par le pompage par paliers, avec plusieurs couples de valeurs débit-rabattement (3 à 5 généralement). Ces paramètres peuvent être estimés avec le logiciel OUAIP :
Essai de nappe
La réaction de la nappe à un pompage va se traduire par des rabattements au sein de l’aquifère et en particulier dans le forage . Le rabattement sera maximal au point de prélèvement, puis se propagera dans l’espace à partir de ce point. L’importance de la baisse des niveaux est liée aux caractéristiques hydrodynamiques de la nappe (à qualité d’ouvrage et débit de pompage identiques).
Ces caractéristiques hydrodynamiques se résument essentiellement à deux paramètres :
- le 1er caractérise la capacité de stockage : c’est le coefficient d’emmagasinement (S), équivalent à une porosité : plus les vides dans le terrain sont importants, plus l’eau pourra être emmagasinée dans l’aquifère .
NB : ne pas confondre l’emmagasinement « S » avec le rabattement de la nappe « s » - le 2e caractérise l’aptitude de l’aquifère à se laisser traverser par l’eau, en lien avec la connexion des vides entre eux. Ce paramètre est appelé « transmissivité » (T) qui est égal à la perméabilité multipliée par l’épaisseur saturée de l’aquifère .
D’autres aspects de l’aquifère interviennent également sur la relation « débit de pompage / niveau ». Certains peuvent être reconnus lors du pompage d’essai de longue durée (ou essai de nappe) : limite alimentée (tel un cours d’eau alimentant la nappe sous l’effet du pompage), limite étanche (aquifère bordé par une formation argileuse, une faille, un changement de faciès), alimentation par drainance à partir d’un autre aquifère …
Dans l’exemple ci-dessous, le pompage a été réalisé à 12 m3/h pendant 8 h. Le rabattement maximal est légèrement supérieur à 2 m. La remontée des niveaux après arrêt des pompages doit être également suivie.
Exemple d’interprétation avec le logiciel OUAIP
Les méthodes graphiques étaient les méthodes traditionnelles pour estimer les paramètres hydrauliques de la nappe. Elles ont été remplacées par des méthodes de calcul par logiciel qui présentent plus de souplesse, de capacité numérique et de rapidité.
Ainsi, le logiciel OUAIP propose une procédure d’ajustement des paramètres de la solution par optimisation et par ajustement graphique interactif aux rabattements observés. Les effets perturbateurs (effet de capacité, effet de vidange, effet pariétal, pertes de charges quadratiques) sont pris en compte de même que les effets de limites (alimentée, étanche). OUAIP permet d’interpréter le test même si les débits sont variables, soit un travail peu envisageable sans moyens informatiques de calcul.
L’exemple précédent est interprété. La courbe rouge représente la courbe théorique selon la méthode de Theis, obtenue après ajustements des paramètres T et S.
Aperçu des schémas d’interprétation
Le schéma d’interprétation de base est celui de Theis (1935) qui exprime le rabattement en fonction du débit et qui dépend de :
- T = transmissivité
- S = coefficient d’emmagasinement
- t = temps
- r = distance au forage
Formule de Theis : s = 0.08 * Q * W(u) / T
W(u) = fonction connue et tabulée avec u = r²*S/4Tt
Avec :
- s = rabattement
- Q = débit
La formule de Theis peut être approchée par la formule logarithmique de Jacob sous certaines conditions (u<0.01).
Soit>
Autres éléments d’information
La réalisation d’un forage est une opération complexe dont tous les aspects ne sont pas traités dans cet article :
- Les essais de puits et de nappe font partie intégrante de la réalisation d’un forage . Il ne faut évidemment pas négliger d’autres aspects de ce type de projet : études d’implantation, conception du forage , position des crépines, exploitation d’un seul aquifère par ouvrage, développement et mise en production de l’ouvrage, protection de l’ouvrage contre des pollutions… et enfin rebouchage dans les règles de l’art de l’ouvrage en fin de vie, comme cela est présenté dans la rubrique dédiée aux forages.
- Les conditions pratiques de réalisation des essais de puits et de nappe sont multiples. A titre d’exemple parmi les précautions à prendre, il faut éliminer si possible, ou au moins quantifier, les variations du niveau de la nappe ayant d’autres origines que celle du pompage : réalimentation de l’aquifère par les eaux d’exhaure, influence d’autres pompages, marée… Ce sont des effets perturbateurs pouvant fausser l’interprétation de la relation débit/niveau. De même, si la nappe est libre et proche de la surface, les eaux d’exhaures doivent être conduites à l’écart de la zone influencée par le pompage pour éviter de pomper « en boucle ». Des mesures complémentaires sont généralement effectuées : conductivité, température, turbidité… afin de compléter l’information obtenue par la variation du niveau dynamique.
Correctement effectué, le pompage d’essai est alors riche d’informations sur l’aquifère !