SOMMAIRE :
- Les propriétés fondamentales des aquifères
- A quoi servent les paramètres hydrodynamiques ?
- Comment acquérir les paramètres hydrodynamiques ?
- Précisions sur d’autres paramètres hydrodynamiques et grandeurs associées
Les propriétés fondamentales des aquifères
Des pompages de même débit déterminent des évolutions différentes selon les ouvrages de captage et l’aquifère capté, notamment :
- La valeur du rabattement (le niveau dynamique moins le niveau statique) en cours de pompage ;
- L’extension du cône de rabattement autour du forage (notamment le rayon d’influence) ;
- La stabilisation apparente plus ou moins rapide du niveau dynamique dans le forage .
L’ensemble de ces observations dépendent exclusivement des paramètres hydrodynamiques aquifères, propriétés fondamentales des eaux souterraines. C’est précisément l’observation des grandeurs telles que le rabattement au cours du temps en fonction du débit dans le puits de pompage et des piézomètres d’observation, au travers d’un « essai de nappe », qui permet par le calcul d’évaluer ces paramètres hydrodynamiques (cf. article dédié aux pompages d’essai).
Les paramètres (parfois aussi appelés « caractéristiques » ou « propriétés ») hydrodynamiques correspondent à tout paramètre physique définissant quantitativement le comportement d’un milieu conducteur (la roche) vis-à-vis d’un fluide (l’eau) : son aptitude à le contenir, à permettre son mouvement et à régir les propagations d’influence.
Toutefois, l’évolution du rabattement et du rayon d’influence ne sont pas déterminés de la même manière par les propriétés du terrain.
Les paramètres hydrodynamiques déterminants sont le coefficient d’emmagasinement (S, pour « Storage coefficient » en anglais) et la transmissivité (T).
- L’évolution du cône de rabattement induit par un pompage à débit continu dans l’espace au cours du temps dépend des paramètres hydrodynamiques, T (m2/s) et S (sans unité)
- (© BRGM - T. Klinka)
Coefficient d’emmagasinement
Le coefficient d’emmagasinement (symbole S, sans unité) correspond à la proportion d’eau qui peut s’écouler, c’est-à-dire non retenue par capillarité. Par rapport au volume total du terrain aquifère , c’est la proportion du volume d’eau fourni par l’abaissement de la surface piézométrique (rabattement de la nappe). C’est donc un pourcentage ou un paramètre sans unité (rapport de volume).
Au sens strict, la définition du coefficient d’emmagasinement est la suivante (Castany G., Margat J., 1977) :
« Rapport du volume d’eau libérée ou emmagasinée par unité de surface d’un aquifère , à la variation de charge hydraulique correspondante, sans référence au temps (ou en un temps illimité). Dans un aquifère captif ce paramètre est lié à la compressibilité et à l’expansibilité de l’eau et du milieu aquifère , ainsi qu’à la puissance de la couche aquifère . Dans un aquifère à nappe libre il équivaut en pratique à la porosité efficace. »
Transmissivité
La perméabilité (symbole K, en m/s) du terrain correspond à l’aptitude d’une couche de terrain à se laisser traverser par l’eau, en d’autres termes à permettre l’écoulement de la nappe. Il est commode de combiner la perméabilité et la puissance aquifère (ou épaisseur de l’aquifère ), en les multipliant l’une par l’autre, on obtient ce qu’on appelle la transmissivité (T, en m2/s). Produit de la perméabilité (horizontale surtout) par l’épaisseur de la nappe, commandant la forme du cône.
Au sens strict, la définition de la transmissivité est la suivante :
« Paramètre régissant le flux d’eau qui s’écoule par unité de hauteur de la zone saturée d’un aquifère continu (mesurée selon une direction orthogonale à celle de l’écoulement), et par unité de gradient hydraulique. Produit du coefficient de perméabilité (de Darcy) par la puissance aquifère , en milieu isotrope, ou produit du tenseur de perméabilité parallèle à la direction d’écoulement par la puissance aquifère en milieu anisotrope. »
Le terrain aquifère est en somme à la fois le réservoir d’eau qui se vide et le conducteur de l’eau.
A quoi servent les paramètres hydrodynamiques ?
Le pompage d’essai est l’un des moyens les plus utiles pour déterminer les paramètres hydrodynamiques des couches aquifères. Il donne en général des résultats sûrs et représentatifs d’une grande zone en opposition à des observations ponctuelles.
Les paramètres hydrodynamiques déduits sont utilisés pour de nombreuses applications pratiques :
- Le dimensionnement d’un ouvrage de captage des eaux souterraines (captage AEP, industriel, forage d’irrigation, géothermie, etc.) ;
- L’évaluation de l’incidence d’un forage sur les eaux souterraines, les ouvrages alentours (cf. module « Simulation » du logiciel OUAIP) ;
- L’évaluation de l’incidence d’un forage sur les eaux de surface (cf. logiciel Conexmin) ;
- La simulation du niveau des nappes dans les modèles numériques d’écoulement souterrain et de transport (cf. logiciel MARTHE, MODFLOW, FEFLOW, etc.) ;
- D’une manière générale, à établir les impacts des ouvrages d’exploitation, les interférences entre ouvrages et avec le milieu naturel, le potentiel exploitable des eaux souterraines.
NB : pour plus d’informations sur les modèles et outils de simulation, se reporter à l’article dédié
- Exemple de simulation de l’impact hydrodynamique (rabattement) d’une chronique pompage sur un piézomètre distant du puits de pompage
Comment acquérir les paramètres hydrodynamiques ?
Les pompages d’essai en régime transitoire occupent aujourd’hui une place importante parmi les techniques de recherche en hydrogéologie et les méthodes d’évaluation des ressources en eau souterraine.
Il est en effet de plus en plus nécessaire de parvenir à une connaissance quantitative des disponibilités en eau. La valeur des résultats auxquels conduisent ces essais est néanmoins fortement dépendante de la qualité de leur exécution et de la précision des mesures faites, à défaut desquelles les tentatives d’interprétations peuvent demeurer infructueuses.
Parmi les pompages d’essai, on distingue deux types d’essai aux objectifs clairement distincts :
- L’essai de puits par paliers de débits (enchainés ou préférentiellement non enchainés), il a pour objectif d’établir les caractéristiques hydrauliques de l’ouvrage (forage ), sa performance et son degré de connexion avec l’aquifère , le débit critique éventuel à ne pas dépasser ;
- L’essai de nappe (ou pompage de longue durée), il a pour objectif d’évaluer les paramètres hydrodynamiques de l’aquifère , son débit d’exploitation pérenne.
Le mode opératoire des essais de puits et des essais de nappe est bien distinct, ils sont décrits dans l’article dédié aux pompages d’essai.
Précisions sur d’autres paramètres hydrodynamiques et grandeurs associées
Outre les paramètres hydrodynamiques déterminants que sont le coefficient d’emmagasinement (S, pour « Storage coefficient » en anglais) et la transmissivité (T), d’autres paramètres sont couramment utilisés en hydrogéologie pour caractériser un aquifère :
Diffusivité
La diffusivité combine les deux paramètres hydrodynamiques T et S, elle traduit le ralentissement de la vitesse de baisse du niveau piézométrique , directement fonction de la transmissivité et inversement fonction de l’emmagasinement, symbole D (en m2/s) :
D=T/S
La stabilisation du rabattement est d’autant plus rapide que D est grand, et d’autant plus lente D est petit. En d’autres termes, la diffusivité exprime la capacité de l’aquifère à transmettre plus ou moins vite une différence de niveau piézométrique : abaissement pendant le pompage, ou inversement remontée après le pompage :
- Plus D est grand, plus la baisse est lente, plus la stabilisation apparente survient tôt, plus le cône s’étend vite ;
- Plus D est petit, plus la baisse est rapide, plus la stabilisation apparente est tardive, plus le cône s’étend lentement.
Drainance
La drainance correspond au phénomène de passage d’un flux d’eau, à composante essentiellement verticale, d’un aquifère à un autre à travers une couche semi-perméable (aquitard).
La communication par drainance entre nappes a été caractérisée par la solution analytique de Hantush (1955) qui introduit le facteur de drainance « L ». C’est un paramètre régissant le flux d’eau passant d’un aquifère à une couche semi-perméable contiguë : il s’agit de la racine carrée du produit de (1) la transmissivité T de l’aquifère par (2) le quotient de la puissance de la couche semi-perméable « b’ », divisé par le coefficient de perméabilité verticale de la couche semi-perméable « Kv », soit le facteur de drainance L (en m) : L=√((T.b’)/Kv )
- Schéma conceptuel d’un pompage dans un aquifère soumis à une drainance verticale
Le rayon d’influence
Le rayon d’influence (ou rayon d’action), noté R (en m), correspond à la distance radiale depuis l’axe d’un puits en pompage à la limite de son aire d’influence, qui serait circulaire dans des conditions idéales (homogénéité de l’aquifère , surface piézométrique initiale horizontale). Elle doit se référer au temps passé depuis le début du pompage (ou de l’injection), en régime transitoire.
- Représentation schématique du rayon d’influence, lors d’un pompage
- (© BRGM - T. Klinka)
Débit spécifique
Le débit spécifique, noté qs (en m2/s), correspond au débit pompé dans un puits rapporté à la hauteur de rabattement dans le puits , dans des conditions définies. Le rabattement est symbolisé « s » (en m), à ne pas confondre avec « S » le coefficient d’emmagasinement.
Dans la pratique, le développement d’un ouvrage peut s’observer en comparant l’évolution vers la stabilisation du débit spécifique au fur et à mesure de cette opération.
L’efficacité d’un puits peut s’évaluer pour un débit de pompage donné en calculant le rapport entre le débit spécifique observé au bout d’un temps conventionnel (par exemple 24 h) et le débit spécifique calculé pour le même temps d’après les paramètres hydrodynamiques de l’aquifère et un modèle d’écoulement autour du puits supposé parfait.
Débit critique
Le débit critique, noté Qc (en m3/h), correspond au débit maximal pouvant affluer d’un aquifère à un puits de pompage en écoulement laminaire, c’est-à-dire sans dépassement de la vitesse critique.
La vitesse critique correspond à la vitesse maximale recommandée au droit des arrivées d’eau des crépines (elle est évaluée à 3 cm/s).
En pratique, c’est le débit de production au-delà duquel les pertes de charge ne croissent plus en fonction linéaire du débit. La méthode d’évaluation du débit critique est variable selon les cas de figures rencontrés, elle repose en général, dans les milieux continus, sur le point d’égalité (débit) entre pertes de charges quadratiques (CQ2 en m) et pertes de charges linéaires (BQ, en m). Toutefois cette approche n’est pas appropriée en cas d’écoulement turbulent dans les milieux discontinus (domaine karstique, aquifères fracturés) où les rabattements linéaires sont faibles et les pertes de charges quadratiques variables, conduisant à l’estimation arbitraire d’un faible débit critique.
Le logiciel OUAIP permet de réaliser l’interprétation d’un essai de puits par paliers de débits non enchainés.
- Courbe caractéristique d’un forage, lorsque les deux courbes pointillées se croisent, les PDC linéaires liés à l’aquifère (en bleu) et les PDC quadratiques liées aux écoulements turbulents (en vert) sont égales
Pertes de charges quadratiques
Les pertes de charges quadratiques sont une composante de la perte de charge hydraulique, ou rabattement , constatée dans un puits en exploitation, entre le niveau naturel et le niveau dynamique, due aux caractéristiques du puits , notamment à l’écoulement turbulent à travers la crépine, le massif filtrant et à l’effet pariétal (effet de « skin »). Elle se traduit par la hauteur de la zone de suintement.
Les pertes de charges quadratiques sont caractérisées via la réalisation d’un essai de puits permettant d’établir le coefficient de pertes de charges quadratiques, noté C (en m2/s5).
- Représentation schématique des pertes de charges linéaires et quadratiques dans un ouvrage en pompage à un temps donné
- (© BRGM - T. Klinka)