Historique
Les techniques de traçage trouvent leur origine en hydrogéologie karstique (Mangin et al., 1976).
Depuis l’antiquité, le principe du traçage artificiel a été utilisé pour mettre en évidence les relations entre les pertes et les sources des aquifères karstiques (Käss, 1998). L’emploi des traceurs fluorescents et salins dans les études relatives aux eaux souterraines marque le début de la recherche moderne sur l’écoulement des eaux souterraines (Atkinson et Smart, 1979).
Les premiers traçages à l’uranine (fluorescéine sodique) en France ont été réalisés par Marboutin en 1901, dans le Val d’Orléans, pour démontrer l’existence d’une relation entre les pertes de la Loire situées à Saint-Denis-de-l’Hôtel, et les exutoires de ce système souterrain telle que la source du Bouillon à Orléans-la-Source.
Dans les années 30, les travaux de Martel et Fournier ont développé l’approche des circulations karstiques d’après la synthèse de 75 expériences de coloration. L’intérêt pour la méthode de traçage s’est accru lorsque les problèmes de vulnérabilité et de pollution de la ressource en eau souterraine ont pris de l’importance, d’autant plus que les besoins croissants en eau ont amené à exploiter de plus en plus les réserves karstiques (Bakalowicz, 1977).
Applications
Dans le cadre du suivi et de la gestion durable de la ressource en eau, les principales applications des techniques de traçages sont :
- la caractérisation des systèmes hydrogéologiques (vitesse de circulation des eaux souterraines, porosité cinématique, dispersivité du milieu), et l’estimation de leurs ressources en eau ;
- la délimitation des aires d’alimentation et des périmètres de protection des ouvrages d’alimentation en eau potable (AEP) ;
- les études d’impact des rejets de stations d’épuration dans le milieu naturel ;
- les transferts de pollutions en milieu industriel.
On distingue généralement 2 catégories de traçages :
- Les traçages de reconnaissances (ou exploratoires), en milieu karstique, dont la finalité est de déterminer l’appartenance d’un point (d’injection) au bassin d’alimentation d’une source ou d’un ensemble de sources. Le résultats attendu est binaire : relation ou pas entre les points testés.
- Les traçages de simulation dont la finalité est de connaître de façon approfondie les paramètres caractéristiques du transit du traceur entre un point d’injection et un point de restitution. Le résultat du traçage est alors utilisé pour évaluer les conditions de restitution du produit injecté dans le milieu permettant de simuler les éventuelles pollutions.
Principaux traceurs
Un traceur artificiel est défini comme « toute substance introduite volontairement dans l’eau et absente dans les conditions naturelles dans l’aquifère étudié, pour l’identifier et permettre d’observer son mouvement ». Parmi les principaux traceurs, on peut citer : sels, produits colorants ou fluorescents, corps en suspension, eau marquée par isotope radioactif, etc.
Les propriétés et les caractéristiques du traceur choisi permettent d’imiter et d’observer le mouvement de l’eau. Le traceur idéal doit être pratiquement semblable à l’eau : bien s’y mélanger et posséder une densité très proche. Il doit être détectable à de très faibles concentrations, dépourvu de toute toxicité à l’égard de l’homme et de l’environnement, et ne pas être sujet à l’adsorption. Il doit aussi être stable, sans pour autant produire un « effet de mémoire » dans les aquifères.
Ces exigences sont strictes et il n’est donc pas étonnant que les traceurs qui satisfont ces conditions soient peu nombreux. Les traceurs les plus fréquemment utilisés en hydrogéologie sont les produits fluorescents et, plus marginalement, les traceurs salins.
- Principaux traceurs fluorescents, de gauche à droite : Eosine, Tinopal, Sulforhodamine G, Fluorescéine, Sulforhodamine B, Naphtionate (source : CETRAHE)
Les traceurs fluorescents constituent le groupe le plus utilisé. Ils sont faciles à détecter à de très faibles concentrations, conservatifs en milieu souterrain et simples à manipuler. Dans la pratique, ils se sont imposés progressivement comme les traceurs artificiels les plus efficaces. A l’inverse, en raison de leur présence naturelle dans les eaux, et leur manque de stabilité dans le milieu, les sels sont plutôt considérés comme des traceurs complémentaires dans le cadre des multi-traçages (plusieurs traceurs injectés simultanément), ou lorsqu’une éventuelle coloration visuelle de l’eau doit être évitée (ex : captages AEP).
Les traceurs fluorescents et salins les plus couramment utilisés ainsi que leurs caractéristiques, sont synthétisés dans les deux tableaux ci-dessous :
Traceurs fluorescents | Longueur d’onde - Excitation (nm) | Longueur d’onde - Emission (nm) | Solubilité à 20°C (g/L) | Seuil de détection (eaux optiquement propres) (µg/L) | Seuil de visibilité à l’œil (µg/L) | Interférences avec d’autres traceurs fluorescents ? |
---|---|---|---|---|---|---|
Uranine | 490 | 515 | 500 | 0.001 | 25 - 50 | Eosine |
Eosine | 513 | 537 | > 600 | 0.01 | 50-100 | Uranine |
Sulforhodamine B | 562 | 585 | 50 | 0.05 | 100 - 500 | Sulforhodamine G |
Sulforhodamine G | 532 | 552 | 5 | 0.01 | 80 - 120 | Sulforhodamine B, Eosine |
Naphtionate | 320 | 420 | 240 | 0.085 | invisible | Amino G. acide, Tinopal |
Amino G. Acide | 345 | 452 | 0.085 | invisible | Naphtionate, Tinopal | |
Tinopal CBS-X | 350 | 435 | 25 | 0.1 | invisible | Amino G.acide, Naphtionate |
Dyasine jaune | 449 | 477 | 0.05 | 100 - 500 | Aucune |
Traceurs salins | Solubilité (g/L) à 20°C | Seuil de détection (µg/L) |
---|---|---|
Lithium (Chlorure) | 832 | 0.5 |
Iodure (de potassium ou de sodium) | Très soluble | 5 |
Chlorure (de sodium ou te potassium) | KCl : 313 / NaCl : 358 | 2000 |
Bromure (de potassium) | 25 | 20 |